Sanctuaire de Sainte-Julienne de Cornillon

De l'adoration eucharistique à la Fête Dieu à Liège

Un bâtiment classé

Sur avis de la commission royale des Monuments et des Sites, le ministre a classé une partie de l’église le 2 décembre 1959. Sont classées : les parties anciennes de l’église : l’abside semi-circulaire, les deux travées du chœur, la tour et la chapelle flanquant celui-ci au nord et au sud, connues au cadastre, ville de Liège, section A, partie du n° 1185 f, partie de 31 a. 10 ca.)

Consultez l’arrêté de classement de la Région Wallonne et la fiche AWAP.

Le bâtiment est classé en partie :
o Sur avis de la commission royale des Monuments et des Sites, le ministre a classé une partie de l’église le 2 décembre 1959
o Sont classées : les parties anciennes de l’église : l’abside semi-circulaire, les deux travées du chœur, la tour et la chapelle flanquant celui-ci au nord et au sud, connues au cadastre, ville de Liège, section A, partie du n° 1185 f, partie de 31 a. 10 ca.)

Une étude remarquable sur l’historique du bâtiment a été réalisée en 1971.

LA CHAPELLE ROMANE DU MONASTÈRE DES CARMÉLITES DE CORNILLON À LIÈGE
par Frère LAMBERT DE BEYS, avec la collaboration de Richard FORGEUR et René BRAGARD.
BULLETIN DU VIEUX-LIÈGE Nos 173-174 (TOME VIII), AVRIL-SEPTEMBRE 1971

Télécharger toute l’étude ici.

Extraits : Le site de Cornillon, situé à l’extrémité du faubourg d’Amercoeur et au pied de la colline de la Chartreuse, est bien connu des Liégeois. Il offre aux visiteurs un ensemble pittoresque rempli de souvenirs historiques et archéologiques. Au pied de la colline, le couvent des Carmélites comprend divers bâtiments dont les plus anciens remontent au Moyen âge. C’est là que vécut sainte Julienne de Cornillon au début du XIIIe siècle, rendant ces lieux désormais universellement célèbres depuis l’institution de la Fête-Dieu. Occupé par les Carmélites depuis 1860 seulement, ce couvent était connu pendant tout l’Ancien Régime, sous le nom d’hospice ou de léproserie de Cornillon. Cette institution ne doit cependant pas être confondue avec la chapelle et le couvent situés sur le mont Cornillon. En effet, à cet endroit occupé actuellement par les bâtiments de l’hospice des Petites Soeurs des pauvres, un oratoire, signalé déjà en 1106, fut consacré en 1116 par l’évêque Otbert et dédié aux douze apôtres.

L’origine de l’hospice de Cornillon est peut-être liée à l’installation des Prémontrés sur cette colline, mais il n’est pas exclu que la partie inférieure de la colline ait été réservée, depuis une époque lointaine, aux malades atteints de la lépre. Le fait qu’en 1140 des religieuses, soumises à la règle des Prémontrés, émigrèrent à Rekem pour y fonder un hospice, peut laisser croire que cette institution fut placée, quelques années, sous la surveillance de ces religieuses. Quoi qu’il en soit, dès 1176, la léproserie est définitivement installée à cet endroit, puisqu’elle reçoit un nouveau règlement approuvé par les échevins de la cité de Liège. La structure interne de la communauté des frères et soeurs, qui se destinent à soigner des lépreux, est ainsi établie.

Ce texte de 1176 nous dit que « la maison des lépreux du Mont-Cornillon a été jusqu’à notre époque dans une grande indigence, une pauvre habitation, peu de biens, de rares visiteurs, mais grâce à la générosité de quelques personnes unissant leurs biens et vivant en communauté », ajoute le texte, « la maison a vu croître non seulement ses richesses, mais aussi la régularité et l’honnêteté de ses moeurs. On peut croire dès lors que dès cette époque, un couvent avait remplacé les modestes cabanes qui abritaient auparavant les lépreux. Les bâtiments étaient déjà partagés en quatre groupes distincts que l’on appelait « les quatre couvents de Cornillon » comprenant deux couvents pour les frères et soeurs méseaux ou malades, et deux couvents pour les frères et soeurs haitis ou sains ? Mais l’installation de cette communauté religieuse devait être reconnue canoniquement par les autorités religieuses. C’est à partir de 1185 que les privilèges et les donations faits à la léproserie seront confirmés par diverses personnalités religieuses : l’archidiacre Albert en 1185, le pape Urbain. III en 1186, le prince-évêque Raoul de Zaehringen en 1189. Dans ces trois actes il est expressément stipulé que la léproserie de Cornillon est autorisée à posséder une église propre, un cimetière et un desservant.

On peut croire, dès lors, que la construction de l’église de la léproserie, aujourd’hui couvent des Carmélites, date de la fin de ce douzième siècle. L’étude archéologique qui suit, nous permettra de confirmer ces données historiques que nous venons de rappeler. Ce monument toutefois, comme la plupart des églises liégeoises, eut beaucoup à souffrir des guerres dont le pays de Liège fut le théâtre au cours des siècles. En 1619, on avait reconstruit les bâtiments des soeurs haitis et en 1681 ceux des frères malades. En 1692, les troupes françaises du maréchal de Boufflers et celles du commandant de Millon en 1702 incendièrent l’église et plusieurs bâtiments de la léproserie. La grande partie de l’église actuelle date donc du début de ce XVIIIe siècle. Toutefois le vaisseau de l’église a été restauré encore en 1846, à l’occasion du VIe centenaire de l’instauration de la Fête-Dieu.

(…)

11. CONCLUSION

Comme la tour seule est bâtie en moellons bruts et irréguliers et que les autres parties dénotent une taille déjà plus perfectionnée, on peut supposer que celle-ci a été bâtie la première et qu’elle est restée seule un certain laps de temps, entourée peut-être d’annexes voûtées ou non comme il a été dit ci-dessus. Elle a pu donc, à l’origine, être un simple abri contre les invasions. Les Westbau des églises romanes de Liège avaient la même destination. Le fait que la tour a été bâtie dans le bas du rocher, alors que la place ne manquait pas, que des meurtrières existent encore, que des annexes contemporaines, pouvant abriter une partie de la population, semblent avoir été démolies, tout cela fait supposer que cette tour a été à une certaine époque une tour fortifiée. Lorsque tout danger aura disparu, l’on aura songé, comme à Theux, à en faire une tour d’église.

L’hypothèse qu’une léproserie aurait été ouverte à Liège pour soigner les nombreux Croisés liégeois revenus de leur expédition en Terre Sainte, affligés de la lèpre, ne peut être retenue. On sait en effet, que peu de Croisés rentraient dans leur pays d’origine, soit qu’ils mouraient en chemin ou au combat, soit qu’ils s’établirent sur place à demeure. Et combien de Liégeois ont pris la Croix ? Il est vraisemblable que la création d’une léproserie située selon la coutume à l’écart de la ville remonte à une date plus lointaine mais cette date ne peut être retenue toutefois pour la construction de la chapelle, puisque l’architecture nous révèle une époque de transition entre le roman et le gothique. On sait que la transition romano-gothique apparaît à Liège vers le troisième quart du XIIe siècle.

Sur le plan stylistique, la comparaison s’impose avec l’avant-corps de l’église Saint-Jacques (Westbau roman) et à la nef de Saint-Denis à Liège. Les consoles de la corniche à billettes sont identiques ainsi que le système de décor à arcatures lombardes. En se référant au cadre général de l’évolution de l’architecture liégeoise, on ne doit pas être loin de vérité en proposant les dates de 1180-1185, peut-être dix ans plus tôt. Nous avons vu qu’en 1185, la léproserie était autorisée à posséder une chapelle entourée d’un cimetière. Elle était donc détachée de la paroisse Saint-Remacle et canoniquement reconnue.

Les nombreuses donations que reçoit la léproserie dans le dernier quart du XIIe siècle ont sans doute permis la construction d’un édifice religieux relativement important puisque dans le projet primitif, deux tours romanes devaient ceinturer l’abside. La construction de l’église s’est vraisemblablement poursuivie au début du XIIIe siècle puisque nous y trouvons encore aujourd’hui un grand nombre d’éléments gothiques.

Quant à la chapelle publique, on peut supposer qu’elle était également de style gothique comme la nef faisant suite au presbyterium. Reconstruite au début du XVIIIe siècle, elle le fut dans le style baroque comme le furent de nombreuses églises liégeoises et notamment l’église Saint-Antoine, dont on vient de reconstituer la structure gothique du chœur.